Les herbivores et la planète.

Résumé du texte de Journet M., Dulphy J.P., Geay Y., Liénard G., paru dans le Courrier de l’Environnement n° 63, d’août 2013.

 

Cet article part des griefs faits à l’élevage des herbivores  domestiques (bovins, ovins, caprins,…) et à la consommation de leurs produits (viande, lait) par un certain nombre de détracteurs : émissions importantes de GES (gaz à effet de serre), faible efficacité de la transformation des produits végétaux, valeur santé discutable du lait et de la viande. Il a pour objectif d’analyser le plus objectivement possible les atouts et les  dérives de cet élevage.

Il est rappelé d’abord le parcours commun de l’homme et des herbivores, depuis le paléolithique, et ce que ceux-ci lui ont apporté notamment à partir de la domestication commencée au néolithique vers 10 000 ans.

 

 

            Puis les modes de production agricole contemporains sont présentés. En fait ces modes sont multiples, allant d’une exploitation quasi exclusive de l’herbe à une exploitation quasi hors sol. Leur caractéristiques après la seconde guerre mondiale ont été leur intensification à grand renfort d’intrants (engrais, céréales, tourteaux, énergie fossile, pesticides,..) Certes cette intensification a permis à notre pays une autonomie d’approvisionnement agricole, une amélioration de la qualité de vie de ses habitants et notamment de ses producteurs agricoles, une concentration de ses surfaces agricoles  au bénéfice des forêts et des habitats fragiles. Mais les excès du productivisme ont accru la détérioration de notre environnement, la pollution de l’air, de l’eau et des sols, ainsi que leurs impacts négatifs sur la biodiversité et les paysages. Face à cette tendance, des pionniers (A. Pochon et les éleveurs du CEDAPA), ont montré qu’il était possible d’atteindre un même niveau de rentabilité en réduisant le niveau des intrants et par suite de la pollution. Ils ont mis au point des systèmes herbagers économes, sachant tirer partie au mieux de la particularité des herbivores. Mais ces initiatives sont restées minoritaires.

 

 

 

            L’effet de serre en agriculture-élevage :

 

            La particularité des herbivores est leur aptitude à digérer la cellulose par la flore de leur rumen ou de leur colon. En contrepartie cette digestion produit du méthane - 100 millions de tonnes, sur un total annuel de 750 (émissions naturelles, rizières, fuites lors de l’extraction et le transport du gaz,..). A l’échelle mondiale les émissions de ces herbivores semblent plafonner, alors qu’elles augmentent pour les porcs et volailles. A noter que pour l’agriculture le principal problème est l’émission de N2O.

Cependant les élevages herbagers économes en intrants, tels ceux présentés précédemment émettent 2 fois moins de gaz à effet de serre (soit 1,3 contre 2,6 tonnes de C- CO2) que les élevages conventionnels intensifs  en raison d’une très faible consommation d’énergie fossile et du stockage de carbone dans le sol des prairies.

 

 

Les services agro-écologiques du trio « sol-prairies-herbivores » :

 

            D’un point de vue agronomique les prairies, en particulier avec des légumineuses qui fixent naturellement de l’azote, peuvent être des surfaces relativement économes et autonomes. Elles ont aussi une aptitude à stocker du carbone, élevée pour les prairies permanentes, mais faible dés qu’on laboure pour cultiver de l’herbe. Néanmoins, ces prairies « temporaires » ont le grand intérêt agronomique d’allonger et diversifier les assolements, rompant ainsi le cycle des herbes envahissantes et non désirées et des parasites des cultures,  de recueillir les déjections azotées et minérales des herbivores, permettant ainsi la réduction des intrants. Cette « polyculture » apporte aussi davantage d’autonomie aux élevages.

            Les services écologiques des prairies sont rarement mis en avant par les agriculteurs et pourtant. Ils concernent l’eau, bien plus disponible sous prairies surtout permanentes, et la biodiversité floristique et faunistique. Par exemple les prairies abritent dans leur sol de nombreux vers de terre, mais aussi toute une faune d’insectes,  source de nourriture abondante pour de nombreux oiseaux et mammifères. A noter que la présence de prairies limite l’érosion, et structure aussi de beaux  paysages faits de haies et de bosquets. Ils  régulent aussi le micro-climat et constituent des abris pour toute une faune d’invertébrés et de vertébrés. On pourrait ajouter les capacités de dénitrification des prairies humides dont les sols sont riches en matière organique.

 

 

Valeur nutritionnelle et valeur santé des produits animaux :

 

            Les produits de l’élevage, lait et viande, ont un gros potentiel pour couvrir les besoins nutritionnels de l’homme. Un reproche fait aux viandes est leur teneur excessive en lipides. Elles ne doivent donc pas être consommées avec exagération. Cette teneur varie tout de même considérablement (2 à 9%) selon le morceau  choisi, le mode d’alimentation de l’animal et aussi le sexe et la race de l’animal, laissant le choix au consommateur. Les races de notre pays, laitières mais surtout à viande, quand elles sont alimentées au pâturage, fournissent une viande qui n’a rien à voir avec celle, beaucoup plus grasse,  issue des races américaines (Hereford et Angus) alimentées en feed-lots. Par ailleurs le texte rappelle  que la viande issue d’animaux alimentés à l’herbe contient des molécules très utiles pour la santé, notamment des omégas 3.  Mais surtout le texte mentionne  le grand intérêt du lait pour satisfaire 70% des besoins en Calcium de certaines catégories de personnes (enfants et personnes âgées) et des protéines animales pour satisfaire de façon équilibrée les besoins en acides aminés. De même lait et viandes sont une source importante de vitamines du groupe B et de vitamine A. Enfin la viande est riche en Fer absorbable (contrairement aux végétaux), en zinc et en sélénium. Notons aussi des effets bénéfiques signalés de l’alimentation à l’herbe sur la qualité gastronomique des viandes.

En France la viande des ruminants représente 30% des viandes consommées, le reste provenant des porcs et volailles.

            Si la consommation de viande herbivore diminue en Europe elle augmente très fortement au niveau mondial.

 

 

 

 Concurrence alimentaire et efficacité des élevages :

 

            Il est reproché aux élevages (herbivores, porcs et volailles) de consommer prés du tiers des aliments qui pourraient être consommés directement par l’homme. Ainsi l’alimentation des porcs et volailles comporte 80% d’aliments utilisables par l’homme et celle des bovins  (essentiellement laitiers) 60%. Cependant,  si on rapporte ces aliments comestibles consommés au poids d’équivalent de viande produit (lait et œufs inclus) on obtient les valeurs suivantes :

-porcs : 2,9;     -volailles : 2,2 ;           -Bovins : 1,4 

Les bovins ont donc une meilleure efficacité liée au fait qu’ils ingèrent  des aliments non comestibles pour l’homme.

            Un autre grief fait aux herbivores vient du fait que les surfaces qu’ils utilisent  pourraient être utilisées pour la production d’aliments comestibles. C’est oublier que beaucoup de surfaces utilisées par les herbivores ne sont pas cultivables (prairies permanentes avec relief, zones humides, parcours). De plus les prairies rendent des services agronomiques certains  déjà présentés : stockage de carbone, fixation d’azote… Notons enfin que les herbivores valorisent très bien les sous-produits des cultures (pulpes, drèches, tourteaux, sons,…).

            L’examen de l’efficacité azotée des herbivores est aussi intéressant. Cette efficacité, exprimée en azote produit (lait, viande,..) par azote utilisé (intrants divers) prend les valeurs suivantes :

-volailles : 0,27 ;      -porcs : 0,26 ;    -bovins : 0,18,

 

Ces ratios peuvent augmenter jusque vers 0,45, au fur et à mesure que la ration contient davantage de fourrages et d’herbe pâturée.

 

            Atouts, dérives, remèdes :

 

            Le principal atout des herbivores est donc leur aptitude à transformer en aliments comestibles à forte valeur nutritionnelle, des produits végétaux inutilisables par l’homme. Par ailleurs ils valorisent l’eau, l’énergie et l’azote, grâce aux  possibilités de recyclage de leurs déjections, soit directement au pâturage, soit par les fumiers ou lisiers, lesquels  activent aussi la vie faunique des sols.

            Malheureusement, à l’échelle mondiale, les modes de production ont évolué et de nombreuses dérives sont apparues. Ainsi les rations se sont exonérées de plus en plus de l’herbe. De grosses unités intensives ont été mises en place, avec à la clé, de nombreux problèmes environnementaux et sanitaires.

            Des remèdes ont été proposés depuis longtemps, en particulier à partir du concept d’agriculture économe et autonome. Dans ce cadre, des éleveurs et des chercheurs ont développé des systèmes de production acceptables. Ces systèmes sont évidemment basés sur l’utilisation maximale de l’herbe et des fourrages conservés, utilisation compatible avec la production d’aliments comestibles pour l’homme, et soutenable pour l’environnement, à condition de ne pas produire l’herbe intensivement comme on produit des céréales.

 

            Cet article met aussi en valeur que, dans notre pays, les productions de viande bovine et ovine restent majoritairement basées sur l’utilisation de l’herbe dans des systèmes peu intensifiés situés  surtout dans les zones herbagères « défavorisées » et de montagne. Les surfaces en herbe, avec les parcours, les estives et les alpages, constituées pour ¾ de prairies  toujours en herbe et de ¼ de prairies cultivées,  représentent encore 44 % du territoire agricole,  entretenu par les éleveurs.

 

NB de GL : Il faut rappeler que la PAC, avec son « verdissement »,  interdit le retournement des prairies naturelles  (sauf dérogation, à demander…, marginale, et sous condition que ce soit remplacé par des prairies temporaires de 6ans et plus, à l’échelle territoriale)   Contrainte certaine et forte pour les éleveurs  (p ex dégâts des rats taupiers, ou prairies abîmées par une forte sécheresse…ou autre).

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