Epandages : une consultation pour les vacances, un arrêté pour Noël, une sanction pour le nouvel an…

 

Dans un arrêté pris le 23 décembre 2013[1], en pleine trêve des confiseurs, le ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, a modifié le système d’autorisation préfectorale d’épandage aérien de pesticides, sans tenir compte des remarques apportées par les associations lors de la consultation publique estivale. Une pratique pourtant dangereuse pour la santé et l’environnement, qui devrait être interdite. Explications de FNE, à qui la justice vient encore de donner raison sur ce dossier, en annulant deux autorisations d’épandages aériens accordées en 2012 à des producteurs de maïs landais.

 

 

Une pratique dangereuse pour la santé et l’environnement…

 

L’épandage de pesticides par voie aérienne pose des problèmes évidents de santé publique et d’environnement du fait de la dérive au vent des produits pulvérisés. Il s’agit d’une pratique inadaptée au contexte agricole français, en raison du parcellaire et de la densité des cours d’eau et des habitations.

On ne compte plus les études montrant l’imprégnation de tous les milieux par les pesticides et les inquiétudes sont grandissantes quant à leurs effets sur la santé. En 2013, le Commissariat Général au Développement Durable fait état de la contamination des eaux par ces produits[2]. Depuis les années 1980, plusieurs études ont dénoncé l’implication de pesticides dans plusieurs pathologies, en particulier certaines maladies neurologiques et cancéreuses, ainsi que des troubles de la reproduction. L’utilisation de la technique de l’épandage aérien exacerbe les problèmes d’ordre sanitaire, notamment par voie respiratoire.

 

… et loin d’être interdite !

 

Stéphane Le Foll l’avait encore rappelé dans une audition au Sénat en juillet 2012 : « l'objectif est d'éviter de manière définitive le recours aux épandages aériens. »

La Directive cadre européenne sur les pesticides de 2009[3], transposée dans le droit français par la loi Grenelle II, prévoit l’interdiction des épandages aériens de pesticides sauf dérogations, désormais encadrées par l’arrêté ministériel du 23 décembre 2013. Dans les faits, ces autorisations sont loin d’être anecdotiques (58 dérogations accordées en 2012) notamment en Outre-mer, et le nouvel arrêté ne change rien ou presque.

José Cambou, pilote du réseau santé-environnement de FNE, rappelle  que dans les conclusions des tables rondes du Grenelle en 2007, il avait déjà été convenu d’un  « consensus sur l’interdiction avec une possibilité de dérogation pour des cas très spécifiques, avant d’ajouter : « Plus de 6 ans après, cela n’est même pas mis en œuvre ! La santé humaine reste l’oubliée dans les décisions publiques. »

 

Un gouvernement qui fait la sourde-oreille face aux associations et à la justice

 

Les associations du mouvement FNE se sont fortement mobilisées sur ce dossier à l’occasion des consultations publiques même si celles-ci se sont tenues à des périodes peu propices à la concertation (consultation en août pour l’arrêté du 23 décembre 2013).

Le juge administratif a par ailleurs sanctionné à plusieurs reprises des autorisations d’épandages aériens délivrées à répétition et contestées par FNE et ses associations membres[4]. Le 30 décembre 2013, le tribunal Administratif de Pau a de nouveau sanctionné deux autorisations d’épandages aériens accordées en 2012 dans le département des Landes contestées par FNE et la SEPANSO Landes.

Pour Raymond LEOST, responsable juridique de FNE, « ces condamnations doivent inciter le gouvernement et les acteurs locaux à prendre pleinement conscience de la nécessité de revoir en profondeur les conditions d’épandage par voie aérienne qui doit rester, comme le prévoit la législation européenne, tout à fait exceptionnel ».

 

Malgré ces constats alarmants et ces multiples condamnations, malgré la mobilisation des associations pendant les consultations publiques, rien ou presque n’a évolué dans ce nouveau texte par rapport au texte précédent.

 

Pour Jean-Claude Bévillard, chargé des questions agricoles à FNE : « FNE demande au ministre de l’agriculture de tenir ses promesses, de renoncer aux épandages aériens de pesticides et de promouvoir les pratiques alternatives : rotation des cultures, observation des parcelles, épandages par voie terrestre... Faut-il rappeler que la France s’est engagée à réduire de moitié l’usage de pesticides d’ici 2018 ? ».

 

 


[1] Arrêté du 23 décembre 2013 relatif aux conditions d'épandage par voie aérienne des produits mentionnés à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime qui remplace l’ Arrêté du 31 mai 2011 relatif aux conditions d'épandage des produits mentionnés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime par voie aérienne

[2] http://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/indicateurs-indices/f/1831/1902/pesticides-eaux-douces.html   

[3] Directive n° 2009/128/CE du 21/10/09 instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable (art. 9)

[4] Martinique : TA Fort de France du 12 décembre 2013, ASSAUPAMAR et autres ; TA Fort de France ordonnance de suspension du 28 août 2013 ; TA Fort de France ordonnance de suspension du 9 octobre 2012)

Guadeloupe : TA Basse Terre, 5 juillet 2013

Les Landes : TA Pau, deux décisions du 30 décembre 2013 sanctionnant le mécanisme mis en place ne permettant pas une réelle information et participation du public qui doivent être  organisées par le pouvoir législatif (FNE et SEPANSO LANDES)

 

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