Quand les incinérateurs et les décharges freinent la réduction des déchets

Tandis que les Régions élaborent actuellement leurs plans régionaux de prévention et de gestion des déchets (PRPGD), France Nature Environnement et ses associations constatent que de nombreux acteurs lancent de nouveaux projets d’incinération et de stockage. Ces projets accentuent les risques de surcapacités de traitement des déchets, au détriment des efforts de prévention et de recyclage et trahissent la crainte de la part de certains acteurs de l’incinération qui considèrent que la prévention des déchets est un frein au développement de leur activité.

 

La nouvelle planification des déchets, entre opportunité et opportunisme

La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a permis d’étendre les compétences des Régions pour la planification de la prévention et de la gestion des déchets. Chaque Conseil régional s’est ainsi lancé dans l’élaboration d’un nouveau plan (PRPGD) couvrant l’ensemble des catégories de déchets, quelles que soient leur origine, nature et composition (hors déchets de la filière nucléaire). Les plans devront décliner les objectifs nationaux de prévention[1], de recyclage[2] des déchets et permettre la mise en œuvre de stratégies territoriales d’économie circulaire. Ces objectifs ne pourront être atteints que si les plans intègrent dès maintenant les effets d’une prévention des déchets ambitieuse par la réduction des capacités d’incinération et de stockage. Or, les prestataires privés et syndicats de déchets profitent de la période de flottement qui précède l’approbation des PRPGD pour étendre ou créer des incinérateurs et des décharges. Ces décisions impliquent de lourds investissements, avec des amortissements qui s’étendent sur 30 ans ou plus, limitant de fait toutes ambitions politiques des collectivités en faveur de la prévention et du recyclage des déchets.

 

Le cas emblématique de l’incinérateur d’Ivry dans le Val-de-Marne

Fin janvier, le Syctom, l’agence métropolitaine des déchets ménagers, a fait un pas décisif vers la reconstruction du plus gros incinérateur d’Europe situé aux portes de Paris en validant la première phase du chantier, confiée à un groupement réunissant Suez et Vinci. Cette décision porte un coup à l’environnement et au porte-monnaie des contribuables. Le coût des travaux est estimé à 2 milliards d’euros, soit autant d’argent public qui ne sera pas alloué à la prévention, à la valorisation des déchets et aux emplois verts qui y sont associés. Ce projet engage les habitants et les collectivités dans la voie de l’incinération sur plusieurs décennies, avec la nécessité de rentabiliser l’investissement. Ce souci de la rentabilité signifie qu’il faudra constamment alimenter cet incinérateur en déchets, au risque d’en faire un véritable aspirateur. Pourtant, ce scénario aurait pu être évité.

Un collectif d’associations a soutenu, en vain, un plan alternatif (le Plan B’OM[3]) qui proposait un horizon plus durable et pragmatique. Malheureusement, le cas d’Ivry n’est pas isolé. Des situations aussi préoccupantes existent dans d’autres régions, comme en Normandie ou en Bourgogne-Franche-Comté, questionnant la cohérence de la future planification des déchets.

France Nature Environnement demande un gel de tous les projets d’extension ou de création d’incinérateurs et de décharges, jusqu’à ce que les futurs PRPGD soient approuvés. Cette position rejoint celle de la Commission européenne qui, dans une communication en date du 26 janvier[4] dernier, pointe du doigt des risques de surcapacités de traitement dans plusieurs Etats membres, dont la France, et recommande un moratoire sur la construction de nouveaux incinérateurs.

Pour Denez L’Hostis, président de France Nature Environnement, " il y a une incohérence entre l’ambition affichée de développer l’économie circulaire et le maintien de stratégies toujours tournées vers l’incinération et l’enfouissement. Il faut mettre fin aux aides publiques favorables à ces modes de traitement et accroître leur taxation pour soutenir des projets de prévention et de recyclage des déchets. Nous demandons à l’Etat de geler tous les projets d’extension ou de création d’incinérateurs et d’installations de stockage, au moins jusqu’à ce que les futurs plans régionaux de prévention et de gestion des déchets soient approuvés. Notre demande concerne tous les sites, y compris ceux qui se réclament de la valorisation énergétique sous couvert d’incinération classique."

 


[1]Article 70 de la loi de transition énergétique : réduction de 10% des déchets ménagers et assimilés produits d’ici 2020 (par rapport à 2010), de 10 % les quantités de déchets d'activités économiques par unité de valeur produite et de 30% à l’horizon 2020 et 50% à l’horizon 2025 des quantités de déchets non dangereux non inertes mis en décharge

[2]Article 70 de la loi de transition énergétique : recyclage de 55% des déchets non dangereux non inertes en 2020 et de 65% en 2025 et de 70% des déchets du BTP à l’horizon 2020

[3]Site de présentation du Plan B’OM (Baisse des Ordures Ménagères)

[4]Communication de la Commission européenne du 26/01/2017 sur le rôle de la valorisation énergétique des déchets dans l’économie circulaire

http://ec.europa.eu/environment/waste/waste-to-energy.pdf

 

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