Pollution sur la Dordogne : un an après l’accident du barrage de la Bourboule, où en est-on ?

Il y a un an, le vendredi 13 février 2015 se déversaient 40 à 45 000 mètres cubes de boues dans la rivière Dordogne (article FRANE). La gravité de l’évènement est telle que les associations de pêche évaluent que les préjudices seront visibles sur plusieurs années. Le lit de la rivière a été colmaté sur 10 centimètres d’épaisseur en moyenne et sur une vingtaine de kilomètres de long (jusqu’au barrage de Bort-les-Orgues). Face à la quantité de sédiments qui s’est déversée (et tout ce qu’ils transportent avec) et aux fortes variations du niveau d’eau, c’est non seulement la faune piscicole qui a été touchée, mais surtout, toute la vie qu’il y avait à l’intérieur de la rivière et celle qui l’environnait.
A la suite de ce constat, les autorités ont réalisé une série de contrôles de la rivière et de l’installation en cause. Mais, si on en n’entend plus beaucoup parlé, les dégâts sont toujours là.

 

Des signaux qui auraient dû alerter


Un ouvrage vieux et comblé
Mis en service en 1902, le barrage de la Bourboule était géré par EDF, avant d’être repris par l’entreprise SOPRELEC en 2011.
S’il permet de retenir l’eau, il bloque également les sédiments. Donc comme pour tout ouvrage de ce type, des vidanges sont prévues régulièrement. Cependant, cela faisait plusieurs années que le barrage n’avait pas été vidangé. La dernière vidange/chasse datait de 1994 (soit 21 ans auparavant).
En 2004, le comblement de la retenue était évalué à 47%, et estimé à environ 80% lors de l’incident.

En cause : l’ouverture non maitrisée d’une vanne de fond
Si le comité de rivière Haute-Dordogne a travaillé avec EDF pour améliorer l’exploitation de l’ouvrage et limiter ses impacts sur l’environnement, cela n’aura été que de courte durée puisque le changement de propriétaire n’a pas permis de trouver une solution satisfaisante pour la gestion des sédiments.
L’entretien aurait dû permettre d’assurer le bon fonctionnement de l’ouvrage et de limiter son envasement.

 

Aujourd’hui, où en est-on ?


La réponse peut paraitre surprenante vue l’ampleur des dégâts mais elle n’a pas beaucoup avancé.
A la suite de l’accident, plusieurs associations ont déposé plainte (associations de protection des rivières et gestionnaires de la pêche). Une enquête a été ouverte par les autorités compétentes avec la participation de l’ensemble des parties prenantes, et a été remise aux mains du tribunal de Clermont-Ferrand.
A ce jour, il n’y a pas d’information disponible sur le dossier. Seule une rencontre (faisant suite à la mobilisation citoyenne à la Bourboule le 13/02/2016) a été organisée pour les élus et associatifs, n'apportant aucune information sur le pourquoi du comment.

Les causes sont encore inconnues du grand public. L’étude des pièces et l’instruction du dossier devront permettre de juger de la pertinence des hypothèses qui auront été émises.

 

Et demain ?


Face à ces constats affligeants de dégradation de l’environnement, la lumière doit être faite sur les responsabilités des acteurs dans cet incident. En parallèle, une réflexion doit être menée sur l’ensemble des impacts subits depuis son installation début 1900. La question des éclusées avait été soulevée mais n’avait pas permis de donner de solution à long terme pour limiter les fortes variations du niveau d’eau et des débits qui perdurent et impactent sévèrement le milieu. Il est pourtant nécessaire qu’elles soient mieux gérées, en accompagnement d’un entretien indispensable et conséquent de l’ensemble de l’installation.
Malgré les demandes et les attentes des élus et citoyens de voir les choses changer, la situation est restée figée. A présent, ce sera au tribunal d’être à la hauteur de la situation et de permettre d’initier une meilleure gestion de ces sites avant qu’un nouvel incident ne vide complètement l’ouvrage et emporte avec lui de riverain.

 

Quelques chiffres :

- Plus de 30 millions d’euros ont été investis dans le contrat rivière Haute-Dordogne entre 2003 et 2011, principalement sur les enjeux « Qualité des eaux », « Dynamique fluviale » et « Espèces et milieux ». Parmi les 130 actions menées, nombre d’entre elles concernées : la préservation des espèces et milieux remarquables, la garantie et restauration de la qualité d’eau vis-à-vis de l’AEP, les exigences piscicoles et pratiques loisirs, la valorisation de l’attrait paysager, favoriser la migration piscicole ou encore encourager le développement des activités touristiques liées à l’eau.
- Avec une hauteur de 19,5 mètres, une longueur de crête de 60 mètres et une retenue de 380 000 m3, le barrage de la Bourboule est l’un des 20 plus gros ouvrages présents sur le bassin de la Dordogne.
- 0,03 % : c’est la puissance de l’ouvrage de la Bourboule (comprise entre 400 et 450 kW) par rapport à la puissance totale du territoire du bassin de la Dordogne.
- En moins d’une heure, le débit est passé de 2 à plus de 10 m3/s (mesures relevées à la station de St Sauves, 2,5 km plus bas).
- Visibles sur les bords de la rivière, les variations du niveau d’eau ont atteint entre 20 et 40 cm de hauteur.
- 11 cm : c’est l’épaisseur moyenne sédimentaire déposée sur les 20 km en aval du barrage
- 10 000 m3/an : c’est en moyenne la quantité de sédiments qui est charrié par la rivière et qui est stocké par les ouvrages.
- 150 000 m3 : c’est la quantité de sédiment qu’il resterait dans la retenue
- En 2006, la note de la qualité de l’eau vis-à-vis des peuplements piscicoles présents (IPR) était de 6, c’est-à-dire excellente.
- Dans le SAGE Dordogne amont, 2 des 4 enjeux identifiés ont l’ambition de Restaurer des régimes hydrologiques plus naturels et adapter les usages & Restaurer des milieux dynamiques et fonctionnels propices à la biodiversité.

 

Au-delà de l’évènement 

Peut-on continuer à produire de l’énergie (dite verte) grâce au courant de l’eau si cela conduit inéluctablement à dégrader l’environnement ?

Inscription Newsletter

captcha 

Se connecter