La Compagnie d’Aménagement des Coteaux de Gascogne (CACG), qui s’est fait connaître du grand public au moment du funeste projet de « Barrage de Sivens », vient à nouveau d’être condamnée par la chambre correctionnelle de la cour d’appel de Toulouse pour sa gestion illicite du barrage de la Gimone, affluent de la Garonne. Régnant sur la politique de l’eau dans le grand Sud-Ouest, la compagnie multiplie les grands barrages à forts impacts environnementaux cloisonnant les rivières. C’est elle qui, à la fois, projette, construit et exploite les barrages. La délinquance environnementale de cette société au fonctionnement opaque est désormais solidement établie par le juge pénal de Toulouse, saisi de l’affaire par France Nature Environnement et sa fédération régionale.
L’agriculture intensive privilégiée au détriment de l’eau potable et des milieux
La vallée de la Gimone connaît chaque été d'importantes sécheresses en raison de prélèvements massifs pour l'agriculture intensive développée sur ce territoire. Ces prélèvements laissent de moins en moins d’eau dans la Gimone pour l’alimentation en eau potable, la préservation de la biodiversité aquatique, la production d’hydroélectricité... Alors que les changements climatiques nous poussent à revoir en profondeur notre modèle agricole, les structures telles que la CACG continuent à mettre sous perfusion des systèmes agricoles qui ne sont pas durables pour maintenir artificiellement leurs rendements, au détriment des usages prioritaires de l’eau.
Le détournement illégal de l’eau de la rivière, provoquant un assèchement printanier de celle-ci, fut constaté dès 2012. Un acte justifié, selon la CACG, par les craintes de sécheresse estivale à venir et de pénurie d’eau pour les irrigants en fin d’été. Saisi par France Nature Environnement et FNE Midi-Pyrénées en 2015, le tribunal correctionnel de Montauban a condamné la compagnie à une modeste amende pour les faits de 2012, réitérés depuis lors presque chaque année de manière aggravée, comme l’a révélé l’audience en justice. Refusant d’assumer ses actes, la société avait fait appel de cette condamnation.
Aujourd’hui, la cour d’appel de Toulouse confirme sans surprise sa culpabilité au vu des manquements graves et répétés dans la gestion de l’eau en condamnant cette société à 50 000 euros d'amende. Pour Raymond LEOST, responsable des actions juridiques de France Nature Environnement : « Ce n’est pas à la CACG de fixer ses propres règles de gestion sous prétexte qu’elle exploite de nombreux barrages, mais au préfet. Les juges ne s’y sont pas trompés et le casier judiciaire de la compagnie en fait désormais clairement état. »
La CACG, un quasi monopole dans le Sud-Ouest, au fonctionnement critiquable
La CACG est une société d’économie mixte rassemblant pour l’essentiel départements, régions et chambres régionales d’agriculture[1]. Sa légitimité à procéder à des évaluations des besoins d’eau, à élaborer et à instruire des demandes de construction de barrages hydrauliques, à les édifier et à les exploiter est aujourd’hui posée. Tout en prétendant à l’excellence environnementale, la CACG semble inventer ses propres règles, au lieu de suivre les règlements établis par l’Etat pour garantir le respect de l’intérêt général. Est-elle juge et partie, comme l’avait souligné Gérard Onesta, conseiller régional, à l’époque de l’affaire Sivens ?
Pour Thierry de NOBLENS, Président de FNE Midi-Pyrénées : « A l'heure du changement climatique, cette vision archaïque de la gestion de l’eau, bien commun essentiel, est une impasse complète. Il est grand temps, a minima, de réformer profondément l'institution CACG, dont l'existence même peut poser question ». En tout cas, la gestion des aménagements hydrauliques n’a pas à être réduite à une simple affaire commerciale dont dépendrait la bonne santé économique de cette entreprise de près de 200 personnes, comme l’avait indiqué Le Monde durant l’affaire Sivens.