Ni la première, ni la dernière
Le 26 avril 1986 se produisait la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. 30 ans après, les conséquences sanitaires, écologiques, sociales et économiques ne cessent de s'alourdir...
Une série déjà trop longue
Le 26 avril 1986 se produisait la catastrophe nucléaire de Tchernobyl. Ce n’était pas la première. Auparavant, il y eu Three Miles island aux USA en 1979. Un accident avec fusion du cœur. Avant encore, en 1957, beaucoup moins connue, la catastrophe du complexe nucléaire de Maïak en URSS avec une explosion dans un centre de déchets nucléaires. La conséquence la plus visible est la disparition de très nombreux villages sur la carte tout autour du site. Et pour finir Fukushima et ses trois fusions de cœur.
L’après-Tchernobyl : de dissimulation en dissimulation
Immédiatement après la catastrophe de Tchernobyl, le gouvernement français a tenté d’en masquer les conséquences. En quête d’informations, la FFSPN - Fédération française des sociétés de protection de la nature, future France Nature Environnement - a été confrontée aux mensonges de l’Etat. Trente ans après, Jean-Pierre Raffin, alors président de la fédération, et aujourd’hui président d’honneur de FNE, a retracé ces semaines de dissimulation.
Jean-Pierre Raffin, président d’honneur de FNE : « A l’occasion du procès intenté en 2001, par des victimes du cancer de la thyroïdes imputé aux retombées de Tchernobyl, l’on aura connaissance, après la saisie de divers documents ministériels de 1986 (Réunion interministérielle du 16 mai) et de 1988 (Réunion interministérielle du 18 janvier), de l’ampleur des mensonges et dissimulations des autorités politiques bénéficiant du mutisme complice de responsables prétendument « scientifiques » de services de l’état pour qui la recherche de la vérité passait manifestement derrière le souci de faire carrière. L’on saura ainsi, qu’en plusieurs régions de France, le niveau des retombées radioactives était bien plus élevé que ce qu’en disait le discours officiel lénifiant. »
Un risque largement sous-évalué
L'Histoire démontre que les craintes exprimées par les associations de protection de l'environnement dès le lancement du programme nucléaire étaient justifiées. A une époque où le principe de précaution n’existait pas, le déploiement rapide du programme nucléaire s’est basé sur le rapport Rasmussen qui prévoyait un niveau de sureté exceptionnel : un accident avec fusion du cœur pour un million d’années réacteurs. 40 années plus tard, nous en sommes à un accident avec fusion du cœur pour 3000 années réacteurs, plus de 300 fois plus de risques !
Et pendant ce temps-là en France…
On pourrait se féliciter qu’aucun accident aussi grave ne se soit produit dans le pays le plus nucléarisé au monde. Ce serait oublier un peu vite les deux accidents de Saint Laurent des Eaux (1969 et 1980) avec une amorce de fusion du cœur et le Blayais en 1999 lors de la tempête du mois de décembre. Mais surtout, EDF fait face à des réacteurs vieillissants. Leur moyenne d’âge est proche des 30 ans alors que la cuve des réacteurs (pièce impossible à changer) a plus ou moins été pensée pour une durée de vie de 40 ans. Alors que de plus en plus de fissures sont découvertes dans la cuve, le passage des 40 ans est donc un enjeu majeur. Les incidents se multiplient et nos voisins allemands, suisses, luxembourgeois commencent à sérieusement s’inquiéter d’un possible accident que nul ne pourra gérer.
La catastrophe économique, elle, est toute proche
Quand il s’agit du nucléaire, l’Etat préfère fermer les yeux sur la catastrophe économique qui s’annonce. Areva est en faillite, EDF a été virée du CAC 40, son directeur financier a démissionné et pour la première fois, les syndicats protestent contre les projets à l’étranger. L’EPR français a 10 ans de retard et son prix a triplé. Même chose pour l’EPR finlandais. Enfin, les provisions pour démantèlement sont largement insuffisantes d’après l’Union européenne, tout comme celles pour la gestion des déchets…Alors l’Etat, actionnaire à 84% d’EDF, incapable de prendre la moindre décision, s’en remet à EDF qui s’entête, de façon complètement irrationnelle, à ne pas vouloir fermer le moindre réacteur alors que la consommation baisse et que les énergies renouvelables augmentent partout ailleurs dans le monde.
Denez L'Hostis, président de FNE : « Il nous faut un état stratège, capable de prendre ses responsabilité à l’heure de la transition énergétique et des 30 ans de Tchernobyl. Il nous faut un état exemplaire à l’heure de la signature de la COP21; il nous faut un scénario d’évolution jusqu’en 2023 avec un mix électrique. Que l’état mette en œuvre la loi que les parlementaires ont voté et cesse de remettre à EDF les clés de la politique énergétique française.»
Tchernobyl : journal d’un mensonge
Lire le récit de Jean-Pierre Raffin, président d’honneur de France Nature Environnement