Le président Macron confirmait la semaine dernière sa volonté de faire sortir la France du glyphosate en 3 ans. Mais les débats sur le célèbre herbicide ne doivent pas nous faire oublier la question plus globale de la pollution aux pesticides. Car le constat est sans appel : 92% des cours d’eau surveillés sont pollués[1]. Et la récente modification de l’arrêté ministériel censé assurer leur protection ne fait qu’empirer la situation. Face à l’urgence environnementale et sanitaire, France Nature Environnement lance l’alerte : une quarantaine de recours gracieux ont été déposés par les associations du mouvement, et une pétition circule afin de mobiliser les citoyens sur l’enjeu crucial de la pollution de l’eau.
Protection des points d’eau : l’enjeu des cartes
Pour faire face à la contamination généralisée de nos cours d’eau, un arrêté ministériel[2] imposait depuis 2006 des zones de non traitement (ZNT) : des aires en bordure des points d’eau, sur lesquelles il est interdit d’épandre des pesticides. Cette mesure a fait ses preuves pour limiter la pollution, à condition que la largeur de cette bande soit suffisante, mais aussi que cette mesure concerne l’ensemble de nos points d’eau, même les plus petits.
Jusqu’ici, cet arrêté concernait l’ensemble des éléments du réseau hydrographique de la carte de l’IGN[3], une carte incomplète mais qui permettait une protection minimale des points d’eau. Seulement, voilà : depuis la modification de cet arrêté, le 4 mai 2017[4], certaines préfectures ont exclu la carte de l’IGN pour se référer à une carte réduite, établie par les services de l’Etat, en étroite collaboration avec – voire sous la forte pression de – la profession agricole.
La méthodologie retenue pour établir cette carte, censée reprendre les critères de la définition légale des cours d’eau, est parfois très critiquable. Dans le Tarn-et-Garonne par exemple, FNE Midi-Pyrénées constate que près de 30% des cours d’eau du département sont exclus des zones non traitées[5]. Et en Indre-et-Loire, 43% des zones précédemment protégées contre les pesticides ne le sont plus[6].
Carte restreinte signifie bel et bien protection affaiblie. Le choix de la carte de référence est donc un enjeu de taille, impactant directement la santé des cours d’eau, car tout écoulement d’eau, aussi petit soit-il, aboutit en définitive dans le réseau hydrographique général. En laissant le choix de la carte de référence entre les mains des préfets, l’Etat prend donc le risque d’aggraver la pollution des milieux aquatiques.
Des cours d'eau sous pression
Sur le terrain, on constate aujourd’hui une très grande hétérogénéité des définitions des points d’eau retenus par les préfets, amoindrissant l’efficacité de la lutte contre la pollution liée aux pesticides. Un écoulement peut ainsi être protégé dans un département et pas dans le département limitrophe ! Il est impératif que l’arrêté ministériel cadre la définition des écoulements protégés de façon beaucoup plus rigoureuse. L’état des lieux laisse peu de place au doute : des résidus de pesticides sont retrouvés dans la quasi-totalité des cours d’eau français, avec des pics relevés localement, qui nécessitent justement une plus grande rigueur.
Forte mobilisation des associations environnementales
En première ligne de la lutte contre la pollution des cours d’eau et face à la pression des syndicats agricoles, les associations de France Nature Environnement ont donc déposé des recours gracieux à l’encontre d’une quarantaine d’arrêtés préfectoraux pour demander une meilleure réglementation. Nombre de ces recours seront ensuite portés devant la justice si les préfets refusent de faire droit aux demandes.
Pour Benjamin Hogommat, de France Nature Environnement : « Il est temps de faire de ces combats locaux une mobilisation nationale, car la question de la qualité de l’eau est un enjeu environnemental et de santé publique majeur. Nous appelons le Gouvernement à prendre ses responsabilités et modifier l’arrêté du 4 mai 2017 pour garantir une protection des milieux aquatiques digne de ce nom ». France Nature Environnement a également lancé une pétition, afin d’obtenir une modification de cet arrêté au plus vite.
[1] Source : « Les pesticides dans les cours d’eau français en 2013 » • Commissariat général au développement durable • Chiffres & statistiques • Numéro 697 • Novembre 2015
[2] Arrêté ministériel du 12 septembre 2006 ayant fait l’objet d’une déclaration d’illégalité par le Conseil d'Etat pour un motif purement procédural (arrêt du 6 juillet 2016)
[3] Institut national de l'information géographique et forestière
[4] Arrêté interministériel du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime
[5] Télécharger la note du 24 mai 2017 de la DDT de Tarn-et-Garonne : Définition des points d’eau pour l’application de l’arrêté interministériel du 4 mai 2017 d’utilisation des produits phytopharmaceutiques
[6] Données de la SEPANT communiquées à la préfecture lors de la consultation du public
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