Le rapport Bisch sur la gestion quantitative des ressources en eau est rendu public aujourd’hui. France Nature Environnement, qui a participé à la cellule d’expertise sur les projets de territoire qui a produit ce rapport, en a co-signé la version finale. Si la fédération salue la publication, elle regrette néanmoins qu’il ait été amputé de plusieurs annexes dans la version rendue publique. France Nature Environnement diffuse donc aujourd’hui le rapport Bisch en intégralité.
Un rapport qui mérite d’être publié dans son intégralité
Grâce aux nombreuses visites sur le terrain, le rapport Bisch est riche en enseignements. Il démontre par exemple une fréquente sous-évaluation des risques liés au surdimensionnement (des retenues risquent de rester vides car implantées sur des territoires déjà largement équipés en stockages), ou encore l’absence de véritable stratégie pour réaliser des économies d’eau dans tous les secteurs. Il montre également que la démarche « projet de territoire[1] » mérite d’être consolidée dans de nombreux cas : beaucoup de projets ne sont en réalité que du greenwashing de projets d’équipements très anciens, reflétant une approche dépassée de la gestion quantitative de l’eau.
Pourtant, comme le confirme ce rapport, une démarche « projets de territoire » bien conduite peut être une véritable stratégie d’adaptation au changement climatique. Florence Denier-Pasquier, secrétaire nationale de France Nature Environnement et membre de la cellule d’expertise, souligne que « cette approche permet une transformation culturelle essentielle : un véritable projet de territoire permet de passer d’une utilisation illimitée et incontrôlée de la ressource en eau, à une co-construction à la bonne échelle de nouvelles règles de partage de ce bien commun qu’est l’eau. Ce rapport vise non pas à dire ‘pour ou contre l’irrigation’, mais plaide bien pour une approche multi-usage et respectueuse du bon fonctionnement des milieux aquatiques. Il faut cesser la course effrénée à la construction de barrages, non adaptés à la disponibilité réelle des ressources en eau, et au passage très consommateur d’argent public ».
S’il apporte de nombreuses pistes d’amélioration, le rapport publié ce jour n’est néanmoins pas irréprochable. France Nature Environnement regrette particulièrement le fait qu’il ait été « amputé » de certaines annexes, notamment celle qui porte sur l’analyse et les propositions des services de l’Etat sur le terrain. Or, c’est bien ce retour d’expériences qui interroge l’Etat central sur la cohérence et la lisibilité de son action au plan national.
Télécharger le rapport intégral, avec l’annexe n°3
Sortir par le haut des divisions liées à l’usage de l’eau
Comme l’a rappelé le Premier Ministre, la méthode des projets de territoire ne peut exonérer le monde agricole de la nécessaire adaptation des productions et des pratiques agricoles au changement climatique. « Les questions que posent les usages de l’eau et la préservation des milieux aquatiques face au changement climatique sont cruciales et concernent la société toute entière. La création de retenues d’eau à des fins d’irrigation agricole, qui s’ajoutent aux milliers de stockages et barrages existants sur le territoire, génère de graves dommages environnementaux sans pour autant constituer une solution durable pour l’agriculture. Les forts points de blocage sur le terrain nous engagent à sortir de l’ornière et à ne pas reproduire le scénario catastrophe de Sivens », rappelle Florence Denier-Pasquier.
Après le drame de Sivens, l’Etat avait déclaré que tout nouveau projet de barrage ou de retenue d’eau devait être co-construit avec l’ensemble des acteurs concernés, afin que les projets autorisés répondent réellement à l’intérêt général. L’autorisation donnée cet été par la préfecture du Lot et Garonne pour la construction d’un nouveau barrage à Caussade montre que sur le terrain, on est encore très loin du compte. France Nature Environnement espère que les Assises de l’Eau permettront de stabiliser le cadre national d’une gestion quantitative de l’eau ambitieuse, au service du bon état écologique des eaux.
[1] Méthode imposée depuis 2015 pour pouvoir bénéficier des subventions des agences de l’eau.
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