Le 2 décembre dernier s’achevait le cycle des conseils d’administration des agences de l’eau, avec la tenue de celui de Seine-Normandie. C’est à l’occasion de ces conseils d’administration que les budgets des agences de l’eau 2015 ont été proposés au vote des administrateurs. Ces budgets, alimentés par les redevances des usagers de l’eau, sont supposés financer les actions et travaux d’intérêt commun nécessaires à l'atteinte du bon état des eaux, conformément à la Directive Cadre sur l’Eau. Or après 2014, ces budgets sont une nouvelle fois ponctionnés au bénéfice du budget de l’Etat pour les années 2015, 2016 et 2017. France Nature Environnement (FNE) dénonce cette ponction qui déroge au principe selon lequel « l'eau paye l'eau ».
D’une mesure exceptionnelle…
Déjà, en2013, la loi de finances a imposé une « contribution exceptionnelle » de 210 millions d’euros prélevée sur le fonds de roulement des agences de l'eau, correspondant à 10% de leurs crédits pour l’année 2014. Cette contribution de la politique de l'eau s’inscrivait alors, selon le ministère de l'Ecologie, « dans le cadre de l'effort demandé à tous les opérateurs de l'Etat pour parvenir collectivement à atteindre les objectifs de redressement des finances publiques ».
… à une mesure habituelle
Aujourd’hui, le gouvernement envisage de prélever 175 millions d’euros par an en 2015, 2016 et 2017 sur les budgets des agences de l'eau au profit du budget de l'Etat,et le propose au parlement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2015 au mépris des engagements pris lors de la dernière conférence environnementale de septembre 2013. Celle-ci avait pourtant réaffirmé (1) l'importance d'une politique intégrée de la gestion de l'eau au niveau de chaque bassin hydrographique, (2) le bien fondé du système français selon lequel « l'eau paye l'eau », et (3) une meilleure application du principe « pollueur-payeur ».
La restauration des milieux, première victime
Ces ponctions ne pourront être compensées par un quelconque relèvement du montant des redevances et vont évidement se traduire par le retardement de certains investissements… Les premiers touchés seront sans doute ceux qui ne bénéficient pas d’un fort appui local relayé par des lobbys puissants, à savoir les investissements de restauration des milieux (continuité piscicole, renaturation de cours d'eau...). Le prélèvement envisagé constituera à n’en pas douter, une bonne occasion pour suspendre tous les travaux de restauration, alors que d’autres comme les retenues pour l’irrigation ne souffriront, elles, d'aucun retard !
Une protestation unanime des « institutions de bassin »
Après que les comités de bassin des Agences de l’eau Artois-Picardie, Rhin-Meuse et Rhône-Méditerranée-Corse aient adopté une motion pour s’opposer à ce nouveau prélèvement, les conseils d’administration de ces agences ainsi que ceux de Loire-Bretagne et de Seine-Normandie ont rejeté les projets de budget 2015.
Jacques PULOU, membre du directoire du réseau Eau de FNE : « Au-delà du domaine environnemental, cette ponction constitue tout d’abord une véritable tromperie auprès de tous les redevables puisque les fonds recueillis se voient détournés de leur finalité première. »
Bernard Rousseau responsable de la politique de l’eau à FNE souligne : « alors que l’on commémore le cinquantenaire de la loi sur l’eau de 1964 à l’origine de la création des agences de l’eau, ces prélèvements répétitifs décidés par le gouvernement remettent en cause le modèle de gestion de l’eau à la française et renforcent la position de ceux qui militent pour une réduction des redevances affectées dans les agences de l’eau… et ailleurs ! En agissant de la sorte, le gouvernement affaiblit un système de gestion de l’eau qui n’arrive pas à respecter ses obligations européennes.»