Monsieur le Préfet,
Par la présente lettre, nous les requérants sus-cités avons l’honneur de former un recours gracieux tendant à la modification de l’arrêté cadre n° 20210587 planifiant les mesures de préservation des ressources en eau en période d’étiage, du 31 mars 2021.
En tant :
– qu’il exclut les eaux souterraines profondes de son champ d’application,
– que les besoins des populations et les besoins des milieux naturels ne sont pas priorisés.
En effet, certains des requérants vous avaient fait part de plusieurs demandes de modifications et rectifications au projet d’arrêté lors du Comité Départemental de l’Eau, ainsi qu’à l’occasion de la consultation publique organisée du 01er au 21 mars 2021. Nous constatons que ces demandes n’ont pas été entendues et ont été écartées de manière injustifiée.
C’est pourquoi nous formons aujourd’hui un recours gracieux contre cet arrêté en vous demandant d’y apporter modification et complément comme exposé ci-après.
L’article L.211-1 du Code de l’environnement impose en effet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau, qui passe par une nette hiérarchie dans les priorités des usages de l’eau :
« I.- Les dispositions des chapitres Ier à VII du présent titre ont pour objet une gestion équilibrée et durable de la ressource en eau ; cette gestion prend en compte les adaptations nécessaires au changement climatique et vise à assurer :
1° La prévention des inondations et la préservation des écosystèmes aquatiques, des sites et des zones humides ; (…)
4° Le développement, la mobilisation, la création et la protection de la ressource en eau ; (…)
II.- La gestion équilibrée doit permettre en priorité de satisfaire les exigences de la santé, de la salubrité publique, de la sécurité civile et de l’alimentation en eau potable de la population. Elle doit également permettre de satisfaire ou concilier, lors des différents usages, activités ou travaux, les exigences :
1° De la vie biologique du milieu récepteur, et spécialement de la faune piscicole et conchylicole ;
2° De la conservation et du libre écoulement des eaux et de la protection contre les inondations ;
3° De l’agriculture, des pêches et des cultures marines, de la pêche en eau douce, de l’industrie, de la production d’énergie, en particulier pour assurer la sécurité du système électrique, des transports, du tourisme, de la protection des sites, des loisirs et des sports nautiques ainsi que de toutes autres activités humaines légalement exercées. »
Son article L.211-2 cite sur un même plan la gestion des eaux superficielles et souterraines :
« I. – Les règles générales de préservation de la qualité et de répartition des eaux superficielles, souterraines et des eaux de la mer dans la limite des eaux territoriales sont déterminées par décret en Conseil d’Etat.
II. – Elles fixent :
1° Les normes de qualité et les mesures nécessaires à la restauration et à la préservation de cette qualité, en fonction des différents usages de l’eau et de leur cumul ;
2° Les règles de répartition des eaux, de manière à concilier les intérêts des diverses catégories d’utilisateurs (…) »
Or en l’espèce, alors même qu’en terme de prélèvements en eau souterraine dans le département plus de 60 Mm3 sont prélevés pour l’eau potable, 4.2 Mm3 pour l’usage industriel et 1.6 Mm3 pour l’usage agricole, votre arrêté exclut expressément de son champ d’application les prélèvements à
partir de forages en eaux souterraines profondes attestés par une étude hydrogéologique (articles 2 et 6.2).
Cette exclusion des eaux souterraines profondes du champ de l’arrêté est justifiée par la faible connaissance des eaux souterraines et le manque de suivi qui ne permettraient pas d’appliquer des mesures de restriction.
Cette conclusion révèle une erreur manifeste d’appréciation de votre part. Le manque de connaissances sur les eaux souterraines aurait dû à l’inverse vous conduire à l’application du principe de précaution afin de garantir les principes et obligations de protection de la ressource en eau établis par le code de l’environnement précités.
Or, sans méconnaître formellement ces articles, l’arrêté cadre n° 20210587 est peu contraignant :
• dans les considérant, les prélèvements autorisés (donc comptabilisés et connus) dans les eaux souterraines par les embouteilleurs d’eaux minérales ou de source, ainsi que ceux de certaines pratiques agricoles ne sont pas mentionnés
• la protection de la vie biologique ne donne pas matière à évaluation ni à des mesures concrètes de protection
• les articles 2 et 6-2 -5ème alinéa de l’arrêté excluent des restrictions les prélèvements des eaux profondes en promettant d’étudier la chose ultérieurement.
Pourtant, à l’issue du Comité Départemental de l’Eau du 29 janvier 2021, présentant ce projet d’arrêté cadre, nos associations vous avaient fait part de plusieurs demandes de modifications et rectifications visant la mise en conformité du projet d’arrêté avec le Code de l’Environnement.
Selon les documents annexés à ce courrier, ces demandes de modification peuvent être résumées comme suit :
• les besoins des populations (alimentation en eau potable, agriculture vivrière, etc.) et les besoins des milieux naturels doivent être priorisés,
• l’ensemble de la ressource en eau doit être concernée : toutes les eaux, superficielles comme souterraines, et tous les cours d’eau doivent être suivis.
Ces demandes ont été renouvelées à l’occasion de la consultation publique organisée du 01 au 21 mars 2021, sans être entendues et ont été écartées de manière injustifiée.
Il est évident que les eaux souterraines ont vocation à resurgir en surface. Un prélèvement pénalise la disponibilité de l’eau en aval, impactant ainsi la biodiversité et la ressource en eau potable, pourtant définies comme prioritaires par la réglementation.
En cas de pénurie due à la sécheresse, les restrictions de leur utilisation, voire leur interdiction doivent pouvoir être mises en oeuvre.
En l’état, en excluant une part de la ressource en eau du champ des mesures de préservation de l’eau en période d’étiage, votre arrêté viole, a minima, les articles L.211-1 et L.211-2 du code de l’environnement et ne garantit pas la gestion équilibrée de la ressource.
Ces quelques réflexions démontrent que les priorités légales ne sont pas respectées, au détriment de la quantité et de la qualité de l’eau potable, de la biodiversité, des milieux humides en aval et des activités maraîchères, agro écologiques, vivrières ou piscicoles.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’arrêté cadre n° 20210587 est entaché d’une erreur manifeste d’appréciation. Aussi, pour ces raisons de droit et de faits, non exhaustives, nous vous demandons, Monsieur le Préfet, de bien vouloir réexaminer cet arrêté avec des mesures qui ne portent pas atteinte aux intérêts ci-dessus.
En comptant sur la considération que vous accorderez à notre demande, nous vous prions, Monsieur le Préfet, d’agréer l’expression de nos salutations respectueuses.
A la demande de :
Syndicat agricole Confédération paysanne du Puy-De-Dôme
Association Puy-De-Dôme Nature Environnement
Association France Nature Environnement du Puy-De-Dôme
Association UFC Que Choisir 63
Association Alternatiba 63
Association Bio 63
Association Attac 63
Association ANV COP21-63
Regroupés au sein du Collectif Eau Bien Commun 63 et appuyés dans leur requête par :
Fédération des Associations Agréées pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique 63
Association FRANE
Association Greffe
Association Nature et Progrès 63
Association SOS Loire Vivante
Parti politique EELV 63
Parti politique LFI 63