Le projet de décret est pris en application des articles 56 et 57 de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance. Cette loi prévoit, à l’article 56, l’expérimentation d’une procédure de participation du public par voie électronique en remplacement de l’enquête publique, dans le cadre de la procédure de délivrance de l’autorisation environnementale. Cette expérimentation prévue pendant une durée de trois ans concerne les projets, d’une part, d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) et, d’autre part, d’installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA).
Le projet de décret d’application propose que l’expérimentation se déroule dans deux régions (Bretagne et Hauts-de-France) qui bénéficieront d’un droit à déroger aux dispositions relatives à l’enquête publique.
Dans ces deux régions, dès lors que les projets auront donné lieu à une concertation préalable avec garant en application de l’article L. 121-16 et L. 121-16-1 du code de l’environnement, l’enquête publique sera remplacée par une procédure de participation du public par voie électronique dans les formes prévues à l’article L. 123-19 du code de l’environnement.
Enfin, la loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un Etat au service d’une société de confiance prévoit, à l’article 57, de renforcer les modalités d’information du public dans le cadre des procédures de concertation préalable et de participation du public par voie électronique afin d’assurer au public des garanties équivalentes à celles dont il aurait bénéficié dans le cadre d’une enquête publique.
L’avis de la FRANE :
La consultation actuellement proposée par le Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire autour d'un décret d'application de la Loi ESSOC (Etat au Service d'une Société de Confiance) propose de détricoter le droit de l'environnement dont un des piliers depuis 1976 est la consultation de la population au travers de l'Enquête Publique.
En effet alors qu'avec l'avènement d'une société numérique, des consultations préalables sur internet sont déjà proposées en amont de l'élaboration de dossiers d'aménagement, plans et programmes, le projet de décret entend supprimer à terme l'étape de l'Enquête Publique qui sert depuis des dizaines d'années pour la population concernée à exprimer son avis et à le faire connaitre à un commissaire enquêteur qui le relaie aux services détenteurs du pouvoir d'autorisation. Il est donc prévu, à l'issue d'une phase d'expérimentation régionale (Bretagne et Hauts de France) que l'Enquête Publique soit supprimée si une consultation publique numérique a eu lieu au préalable pour des projets relevant des ICPE (Installation Classées pour la Protection de l'Environnement) ou des IOTA (Installations, Ouvrages, Travaux et Activités) autrement dit la plupart de ceux dont les impacts sur la nature et l'environnement sont potentiellement les plus importants.
C'est méconnaitre d'une part la chronologie des projets que de vouloir faire se prononcer la population en amont de ceux-ci (la consultation numérique est organisée sur un principe d'aménagement et non sur un projet détaillé alors que l'Enquête Publique s'intéresse à la complétude d'un dossier) et d'autre part contradictoire avec l'ambition d'une démocratie plus participative que d'enlever la phase de consultation directe, d'échange avec un commissaire enquêteur et le reste de la population. Le travail du commissaire enquêteur est aujourd’hui le seul garant du respect des propos tenus par un public qui attend une prise en compte et une restitution fidèle de ses observations. Il est un animateur direct de la participation en organisant le cas échéant des réunions publiques, l'audition de personnes, la suspension de procédure en cas d'évolution du dossier... et surtout la rédaction de conclusions motivée avec un avis.
Il est une chose de déplorer que les Enquêtes Publiques soient parfois dévoyées par des commissaires enquêteurs qui faute de compétences se contentent de jouer les avocats des projets, il en est une autre que trop de préfets passent outre les rares avis négatifs d'autres commissaires enquêteurs à l'écoute des populations, mais c'est un comble que ces critiques ou la faible participation courante aux Enquêtes Publiques puisse servir de prétexte à leur disparition pure et simple.
Il faut aussi noter que l'accès aux outils numériques n'est pas partout garanti, et qu'au-delà de cette question technique, cette forme de participation confine souvent à la réaction plutôt qu'à la réflexion, ce qui est contraire à l'intérêt porté par les citoyens aux questions environnementales.
La FRANE est donc défavorable au décret relatif à l’expérimentation prévue à l’article 56 de la loi n°2018-727 du 10 août 2018.