En 2022, 245 saumons ont été recensés à l’un des 3 points de comptage de la rivière Allier ; au pont barrage de Vichy (les 2 autres étant Poutès et Langeac. La moyenne des cinq dernières années s’établie à 326 saumons passés à Vichy.
Globalement, les effectifs 2020 représentaient 1/5 des effectifs des années 70/80.
Les remontées de saumons sur cet axe migratoire sont très variables elles sont sensibles aux variations climatiques. Elles peuvent varier d’un facteur 10 (exemple entre 1979 et 1980, elles pouvaient varier de quelques centaines à quelques milliers de saumons au niveau de Vichy).
Une situation devenue plus que préoccupante malgré les actions de repeuplement entreprises.
Comment a-t-on pu en arriver là ?
Le cycle biologique du saumon n’est pas un long fleuve tranquille ; surtout que l’Homme en est le premier responsable directement ou indirectement. Le cycle biologique du saumon se découpe en 3 phases :
Première phase :
En eau douce , naissance et grossissement pendant une à deux années, âgé de 1 ou 2 ans, au printemps il devient smolt, il est argenté. Il va dévaler pour rejoindre l’Océan, ce voyage en eau douce dure de 3 semaines à 2 mois, tout dépend des niveaux d’eau, des obstacles et du smolt (la vitesse de dévalaison est aussi fonction de la longueur du poisson).
Deuxième phase
Le post smolt va devenir un saumon, dans l’océan il rejoint les zones dites de grossissement, des saumons originaires de l’Allier ont été repris à l’Ouest du Groenland, au large des iles Féroé, et vers le Svalbard. Pourquoi certains post smolts dirigent vers le Groenland et d’autres vers le Svalbard ? Mystère !
Troisième phase
Au bout de 2 à 3 étés passés dans l’océan, le saumon rejoint l’estuaire de la Loire entre octobre et mars, les premiers saumons sont en général de 3 étés de mer (MSW), ils pèsent en moyenne 9 kg, les saumons de 2 étés de mer se présentent dans les trois derniers mois (janvier à mars), ils pèsent en moyenne 6 kg. Quelques individus (moins de 2 % s’engageront dans d’autres estuaires).
Ils essayeront de rejoindre les zones de frai, ce voyage se fait en plusieurs étapes :
Une première montaison depuis leur entrée dans l’estuaire jusqu’à mi juin, les plus robustes atteindront leur lieu de frai vers mars, avril.
En juin, il y a un arrêt de la montaison, pour plus de 80 % d’entre eux c’est le « repos estival ». Il est important que les lieux de repos estivaux aient des conditions compatibles avec leur survie (température de la rivière, taux d’oxygène, …..).
En automne lorsque les conditions seront de nouveau favorables, ils entameront une deuxième montaison et ils tenteront de parvenir sur des lieux de frai, les saumons essayent de rejoindre (au minimum) des lieux où ils ont passé leur première phase de vie, par contre s'il y a une opportunité, certains n’hésiteront pas à aller plus en amont. En règle général le taux de dispersion est aussi de l’ordre de 2 %, un saumon originaire du haut Allier peut se retrouver dans l’Alagnon, la Dore ou la Sioule en novembre /décembre.
L’énergie consommée pendant leur montaison (recherche d’un passage pour franchir un seuil) ne se récupérera pas, puisque les saumons ne s’alimentent plus. La fatigue accumulée réduira les chances d’une partie d’entre eux de franchir les obstacles suivants, et même de survivre jusqu’à la reproduction.
Ces deux mois (novembre et décembre) sont les périodes de frai, ce sont des géniteurs qui pèsent de 4 à 6 kg, en général ils perdent 30 % de leur poids entre leur entrée dans l’estuaire et la reproduction.
Comment navigue le saumon : après sa naissance dans une frayère de l’Allier le juvénile entame sa dévalaison vers la mer. Il entame alors sa 2° phase où il entreprend sa période de sevrage et de grandissement en pleine mer ; période qui durera de 2 à 3 ans. Ensuite en phase 3 ; il entreprend sa phase de retour ou montaison. Durant cette période le saumon ne se nourrit pas et épuise toutes ses forces à remonter le lit de la rivière pour rejoindre une frayère afin d’assurer sa reproduction. Souvent à l’endroit où il est né ; dans la frayère de sa naissance.
Peu de saumons arriveront au bout du chemin ; la mortalité en route est très importante.
La vie est pleine de danger pour ce poisson depuis sa naissance : d’avril où il émerge en tant qu’alevin jusqu’au frai en début d’hiver plusieurs années plus tard ( Le cycle complet est de 4, 5 ou 6 ans).
La mortalité
En tant qu’alevin puis tacon (le tacon est un poisson d’une longueur supérieure à 5 cm), il doit échapper aux prédateurs truites, loutres, hérons, cormorans, ce dernier prédateur est apparu à la fin des années 1980, il a bouleversé la faune aquatique du haut Allier.
Pendant sa phase migratoire de dévalaison, il doit atteindre l’océan à un stade de son développement biologique, il doit être capable de passer de l’eau douce à l’eau salée. A chaque aménagement : moulin, barrage, etc.. son comportement change : il prend du retard, il devient plus aisé aux prédateurs de les saisir : brochets, silures, perches et toujours les cormorans, certains de ces derniers suivent la dévalaison. Les centrales hydroélectriques peuvent aussi être la cause d’une hausse de mortalité des smolts si le dispositif de dévalaison n’est pas fonctionnel. Ceux qui ont pris trop de retard dans cette phase de dévalaison, mourront à proximité ou dans l’estuaire (du à la non adaptation à l’eau salée).
Dans l’océan, des menaces nouvelles : prédateurs marins, pêches dites accidentelles, pollution due à l’aquaculture (élevage de saumons dans des cages ouvertes), cette concentration de poissons est source de développement des poux marins.
Pour nourrir les poissons d’aquaculture, des prélèvements sont effectués dans les fosses dites de grossissement, d’où une diminution du poisson fourrage.
Au retour de l’océan, la pêche côtière effectue un prélèvement, puis ils ont à franchir l’estuaire, le bouchon vaseux peut être la cause d’un non engagement dans le fleuve Loire, surtout si les débits de la Loire sont faibles.
Le dérèglement climatique a des effets pervers : les périodes favorables à la montaison sont plus courtes ceci du :
- Aux températures d’eaux non compatibles avec la migration des salmonidés : au dessus de 20/22 °C ils stoppent leur activité migratoire.
- Aux périodes de débit plus courtes, ces dernières années la première migration des saumons adultes vers l’amont était stoppée dès fin mai.
- La baisse des débits est aussi liée aux prélèvements (de l’agriculture).
À partir de l’aval de Pont-du-Château, les modifications du cours de l’Allier et de la Loire (l’abaissement de la ligne d’eau est de 3 mètres – extraction des granulats dans le lit majeur des cours d’eau jusqu’au début des années 1980 !), ont entraîné des déchaussements de seuils de ponts : Pont-du-Château, Moulins, Le Guétain, La Charité sur Loire, … des sections de rivières ont été artificialisées: la dynamique fluviale a été chamboulée.
L’ensemble a eu un impact important sur l’habitat de l’axe Loire-Allier et sur les espèces migratrices.
Face au dérèglement climatique, les dispositifs de transparence migratoire doivent être très efficaces, ce qui est rarement le cas.
Ces seuils et dispositifs de continuité écologique aquatique favorisent la prédation des saumons adultes, essentiellement par des silures. Ce poisson est une espèce invasive, les Fédérations de Pêche sont (en partie) responsables de son introduction dans les bassins où la présence des poissons migrateurs étaient (ou sont) source de biodiversité et d’alimentation (sur le bassin Loire beaucoup d’espèces migratrices sont des proies pour les silures : saumons, lamproies, aloses, mulets, …).
Malgré des ensemencements en alevins, le nombre de saumons diminue sur l’axe Loire Allier, la cause de ce demi échec est de ne pas avoir pris en compte d’autres facteurs :
- la continuité écologique aquatique, les dispositifs de montaison dans le bas Allier (exemple : seuil des Lorrains) et en Loire (exemple seuil de Saint Laurent des eaux) sont d’une efficacité très moyenne ;
- les lieux de déversements des alevins n’ont pas été toujours très judicieux, leur survie en été n’est pas assurée lors d’étés très chauds, surtout en aval de l’Alagnon ;
- les plans d’eaux (exemple Vichy) sont responsables d’une hausse de la mortalité des smolts lors de la dévalaison.
D’autres paramètres ont pu jouer : dérèglement climatique, prélèvements dans l’Océan ou en rivière (exemple le braconnage), normalement dans le bassin de la Loire la pêche est interdite à partir des cotes du département de la Loire Atlantique jusqu’au source de l’Allier.
Sur certains affluents la pollution des eaux aggrave la situation.
C’est une espèce qui demande pour être abondante des aménagements bien pensés et réalisés correctement et une vision d’ensemble du vivant.
En synthèse 2 raisons : celles que nous qualifierons de « naturelles » et celles provoquées directement ou indirectement par l’homme.
Au titre des raisons naturelles on peut citer le franchissement des rapides et des cascades.
Les prédateurs également : silures, hérons.
Les raisons provoquées par l’Homme sont, elles, beaucoup plus nombreuses.
- L’Homme a créé des obstacles artificiels comme les barrages. Alors pour que les saumons puissent les franchir il a créé des échelles et des passes à poissons ; mais les saumons ne parviennent à passer qu’au prix de gros efforts ; quand ils y parviennent. Et en fait il ne s’agit que d’un pis-aller quant à la conservation des espèces.
- Les pécheurs pratiquant la pêche intensive.
- Les températures élevées du fait du changement climatique ; le fort débit des rivières ; les infections parasitaires.
- La modification du cours d’eau ; notamment la construction de digues.
- La production d’électricité ; le contrôle des crues et l’irrigation fournie par les barrages.
- Les prélèvements d’eau de la rivière à des fins agricoles.
- La pollution lumineuse.
Pour aller plus loin, rendez-vous sur le site l'Association Protectrice du Saumon.