Bioénergies : grands enjeux des premières énergies renouvelables de France

Contrairement à une idée reçue, la première énergie renouvelable en France, comme en Europe, n’est pas l’hydroélectricité, l’éolien ou encore le solaire. 65 % de la production totale d’énergies renouvelables en Europe vient... des bioénergies. Ce terme regroupe l'ensemble des énergies produites à partir de matière biologique : bois, productions agricoles ou encore déchets organiques sont ainsi utilisés pour produire de l'électricité, de la chaleur, des carburants. En France, les bioénergies représentent presque 60% de la production d’énergies renouvelables. Quels sont les différents types de bioénergies ? Quels sont les bonnes pratiques et risques liés à chaque filière ? France Nature Environnement fait le point.

 

Retrouvez le dossier de FNE ici.

 

Les bioénergies : une alternative aux énergies fossiles

Les impacts des énergies fossiles ne sont plus à démontrer : pollution de l’air, changement climatique, impacts sur les milieux naturels et la biodiversité… Il est grand temps de s’en passer, et d’accélérer le développement des énergies renouvelables et des bioénergies. Toutefois, n’oublions pas que la transition énergétique ne pourra se faire que si des économies d’énergie sont également réalisées : « la première des énergies, c’est celle que nous ne consommons pas ».

Consommer moins, mais aussi produire mieux : les énergies renouvelables et donc les bioénergies sont incontournables. Elles présentent moins de risques technologiques et peuvent se développer à une échelle locale. Chaque territoire doit imaginer son bouquet énergétique, adapté à son contexte : bioénergies, éolien terrestre ou en mer, photovoltaïque… La diversification du mix énergétique renouvelable est la clé d’une transition énergétique réussie.

 

1. Le bois énergie, ou l’enjeu de la préservation de nos forêts

Le bois énergie est de loin la première des énergies renouvelables, et les objectifs de développement de cette bioénergie sont très ambitieux. Aujourd’hui, le bois destiné à l’énergie est majoritairement issu de forêt et représente plus de 75% de l’autoconsommation (bois non commercialisé, récolté par les propriétaires forestiers pour se chauffer). Par ailleurs, le bois énergie est essentiellement utilisé en France dans les chaufferies, là où le rendement est le plus efficace (supérieur à 90%). Toutefois, les impacts du bois énergie ne sont pas neutres sur l‘environnement et les écosystèmes, particulièrement dans le cas des centrales biomasse industrielles.

La forêt et le bois ont de nombreux rôles à jouer dans la préservation des écosystèmes et la lutte contre le changement climatique. Le rôle du bois énergie, bien souvent mis en avant, est pourtant mineur par rapport à celui que peut jouer la forêt. En effet, pour limiter le réchauffement en dessous des 2°C voire 1,5°C, il est nécessaire de réduire dès aujourd’hui les émissions de CO2 et de renforcer les puits de carbone. Le stockage du carbone en forêt, dans les arbres et le sol, constituent le premier puits de carbone terrestre : chaque année, les forêts françaises absorbent ainsi l’équivalent de 12% des émissions de CO2 de la France.

 

Utilisation du bois : respecter le principe de hiérarchie des usages

Il existe 3 catégories d’usages du bois : le bois d’œuvre, dont le diamètre et la qualité permettent un usage pour la construction ou la fabrication de meubles. La deuxième catégorie est le bois industrie, bois utilisé notamment dans l’industrie papetière et pour la fabrication de palettes. Et enfin le bois énergie, utilisé comme son nom l’indique en énergie. La valorisation du bois doit être à la fois la plus avantageuse pour l’environnement et le climat, et financièrement intéressante pour le propriétaire forestier. C’est pourquoi l’usage bois d’œuvre doit être privilégié, suivi par le bois industrie et enfin le bois énergie.

« Le bois énergie est à la production de bois ce que les épluchures sont aux patates, si on peut les valoriser c’est bien mais on ne produit pas des patates pour leurs épluchures ! »

 

S’assurer d’une gestion durable des forêts et de la ressource en bois

L’exploitation du bois énergie doit être assorti de la mise en place de critères de durabilité afin d’assurer la préservation et le renouvellement de la ressource.  Il ne faut pas oublier qu’il existe une limite à la production du bois énergie et que cette limite est celle de la durabilité des systèmes de production. Ainsi France Nature Environnement milite pour :

  • Limiter l’utilisation d’arbres entiers et privilégier l’utilisation à des fins énergétiques des résidus de l’industrie forestière (qui favorise le bois d’œuvre) et des coupes si cela n’affecte pas la fertilité des sols.
  • Respecter les zones à fort enjeux écologique ou de biodiversité en bannissant dans ces aires les prélèvements de bois énergie.
  • Promouvoir l’efficacité énergétique des centrales en refusant la production d’électricité à partir du bois tant que l’efficacité en co-génération (chauffage/électricité) est inférieure à 85%.

 

2. Agrocarburants : des voitures roulant à la biodiversité et à la nourriture ?

Utiliser des cultures alimentaires pour remplir nos réservoirs ? Transformer des millions d’hectares de forêts, tourbières et prairies pour alimenter des pompes à essences, vous trouvez ça normal ? Nous non plus. C'est pourtant ce qu'il se passe actuellement avec les agrocarburants de première génération.

Techniquement, un agrocarburant est un combustible produit en transformant des matières fabriquées par des organismes vivants (champignons, végétaux, animaux...). Lorsque qu’il est constitué de cultures végétales (cannes à sucre, huile de palme, maïs etc.), on parle d’agrocarburant de première génération. Il s’agit donc de remplir les réservoirs de voitures avec des végétaux plantés dans d'immenses champs.

Une bonne idée à premier abord pour remplacer le pétrole, sortir de notre dépendance et réduire nos émissions de CO2. Mais si on s’intéresse de plus près à la question, le tableau est bien moins vert !

 

Les agrocarburants posent deux problèmes majeurs

  • La concurrence directe avec l’alimentation, puisqu'une partie de la production agricole ne sert plus à l’alimentation humaine ou à nourrir les animaux d’élevage. En effet, sur un marché mondialisé, la demande d’agrocarburants fait gonfler le prix des denrées alimentaires, affectant en premier lieu les populations les plus pauvres. En 2007, l’explosion de la production d’agrocarburants associés à une mauvaise année dans la production céréale, a été l’un des déclencheurs clés des émeutes de la Faim en Afrique.
  • Par effet domino, il est nécessaire de trouver de nouvelles terres agricoles pour compenser la perte de production alimentaire ou pour produire ces fameux agrocarburants. Ainsi, des espaces naturels comme les forêts, tourbières et les prairies sont rasés, pour laisser place à ces nouveaux champs comme en Asie du Sud-est avec la production de l’huile de palme.[1]

Il apparait alors clairement que le bilan des agrocarburants est bien moins bon qu’on peut le laisser supposer. En plus de jouer avec la sécurité alimentaire à travers le globe, le bilan carbone global est catastrophique. En effet, la déforestation, le retournement de tourbières, de prairies dégazent énormément de CO2. Le bilan final est sans appel, les agrocarburants émettent plus de CO2 que le pétrole. Or aujourd’hui, en France, les carburants à la pompe contiennent 7% d’agrocarburants.


[1] 45% des importations d’huile palme au niveau européen est aujourd’hui utilisé en agrocarburants.

 

3. Nouveaux agrocarburants : des précautions s’imposent

Pour éviter d’accaparer des terres agricoles, de nouveaux agrocarburants, dits « avancés » offrent de nouvelles perspectives. Contrairement à la première génération d’agrocarburants, ils n’accaparent pas les terres agricoles : ils sont produits à partir de résidus de végétaux comme les pailles de céréales ou résidus forestiers (agrocarburants de deuxième génération) ou même d’algues ou de levures (processus encore à l’étude).

Cela dit, il ne faut pas reproduire les erreurs commises avec la première génération d'agrocarburants. Il est nécessaire de s’assurer de deux points essentiels. 

  • Premièrement, les agrocarburants de nouvelle génération doivent répondre à des critères de durabilité stricte. Par exemple, ils doivent émettre 50% de CO2 de moins que les carburants conventionnels  ou ne pas faire de concurrence sur l’usage des terres ;  
  • De plus, les matières premières utilisées pour faire des agrocarburants ne doivent pas faire concurrence à d’autres usages comme c’est le cas pour le bois qui peut servir en pâte à papier. De plus, les déchets de l’activité pétrolière ne doivent pas être considérés comme des agrocarburants avancés car basés sur une activité « non durable ». 

 

4. Une énergie agricole durable : le biogaz

Il est possible de produire du gaz renouvelable à partir de matière organique grâce au procédé de méthanisation. L’énergie produite est renouvelable et locale. Ainsi, elle contribue à la transition énergétique des territoires tout en créant ou en pérennisant des emplois locaux et non délocalisables. Mais ce n’est pas tout : la plupart des énergies renouvelables produisent de l’électricité, tandis que la méthanisation produit du gaz renouvelable, identique en composition au gaz d’origine fossile. Cela permet ainsi de poursuivre la transition énergétique au-delà du réseau électrique en substituant par exemple le gaz naturel utilisé pour la cuisson ou le chauffage. Fait moins connu, ce gaz renouvelable peut également être utilisé dans les transports, il est alors appelé bioGNV pour Gaz Naturel Véhicule. Ce carburant possède d’excellentes qualités environnementales avec un bilan de gaz à effet de serre très faible et des émissions de particules fines quasi nulles.

Cette valorisation est particulièrement intéressante seulement si elle respecte certaines conditions. En premier lieu, elle ne doit pas bien sûr détourner les cultures d’une production alimentaire, ni intensifier une exploitation agricole, auquel cas elle reproduirait l’écueil des agrocarburants de première génération. De plus, les démarches de prévention de déchets organiques doivent rester la priorité. Enfin, le projet doit se faire en concertation et en toute transparence avec les acteurs territoriaux et les associations de protection de l’environnement.

 

Lire notre dossier Méthanisation

 

Et maintenant, c’est quoi les enjeux ?

Actuellement, la France révise sa programmation pluriannuelle de l’énergie. C’est un document instauré dans le cadre de la loi de transition énergétique pour une croissance verte de 2015 et dont le but est de donner les objectifs et trajectoire pour les 5 prochaines années pour chaque énergie produite et consommée en France.

L’union européenne, pour sa part, révise la Directive européenne relative aux énergies renouvelables avec de nouvelles propositions à l’étude, dont certaines sont demandées depuis longtemps (l’instauration de critères de durabilité pour la biomasse). D’autres peuvent se révéler particulièrement nuisibles à la biodiversité et la lutte contre le changement climatique (objectifs trop élevés d’incorporation des agrocarburants de première génération).

 

Si les bioénergies sont essentielles pour offrir un mix énergétique plus soutenable et pleinement tourné vers les énergies renouvelables, il convient d’encadrer leur utilisation et de diversifier ce mix afin d'alléger la pression sur les ressources naturelles. Il est essentiel également de faire des économies d’énergies et de ne pas chercher à remplacer totalement notre consommation actuelle d’énergie par les énergies renouvelables. C'est à ces conditions que les bioénergies peuvent devenir réellement renouvelables et bénéfiques pour la nature et l'environnement.

 

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