Les arbres abattus par Chanel pour réaliser le décor de son défilé du 6 mars au Grand palais ont suscité de nombreuses interrogations. La maison de couture a apporté quelques réponses. Qu'en pense France Nature Environnement ? Avant tout, que ce « fashion faux pas nature » doit inciter chacun à adopter une vision bien plus responsable et durable des forêts et du bois.
Polémique Chanel : la promesse de nature ne peut pas être qu’une promesse
Le choix de Chanel d'abattre des arbres pour un défilé a attiré les critiques de France Nature Environnement. En les mettant en lumière, nous ne soupçonnions pas une polémique d'une telle ampleur médiatique. Pourquoi un tel écho ? Car Chanel est un prescripteur de tendance[1]. Chanel donne le « La » de l'esthétique de demain.
Il a sonné faux le 6 mars dernier. Les décennies nécessaires à la croissance des arbres ont tranché avec la brièveté du défilé pour lequel ils ont été coupés. La « promesse de nature » était en décalage avec la réalité de l'opération. Les incertitudes sur le devenir des arbres abattus une fois le défilé terminé restaient nombreuses… À lui seul, ce défilé a illustré quelques-uns des nombreux paradoxes auxquels la société est confrontée au sujet de l’exploitation des forêts : le bois est une ressource renouvelable, mais son utilisation doit être raisonnée.
Précisions livrées par Chanel : la marque peut (encore) progresser
Face aux critiques exprimées par France Nature Environnement, Chanel a tout d'abord annoncé replanter une « parcelle de 100 nouveaux chênes ». La maison de couture assure donc le renouvellement de la forêt après une coupe : autrement dit elle respecte simplement la loi.
Mais quel était le devenir des 508 bancs de peupliers et des 9 chênes coupés ? La marque aux deux C a fini par ajouter que les chênes seraient débités en planches, les peupliers transformés en pâte à papier et les branches fourniraient de l’énergie. Ces arbres auraient-ils évité la benne à ordure grâce à la polémique ? Quoiqu'il en soit, France Nature Environnement préfère cette option.
Est-ce pour autant l'idéal ? Pas vraiment. Pour France Nature Environnement, couper des arbres et utiliser du bois se justifient si l’on peut en garantir la meilleure valorisation possible, et pour la plus longue durée possible. Ainsi, pour les 508 bancs de peupliers, avant de devenir de la pâte à papier, Chanel aurait pu réutiliser ces bancs pour les mettre en boutique quelques années. Par la suite, ils auraient pu être proposés pour un concours de jeunes artistes, transformés en objets de mobilier ou de déco, ou encore bien d’autres choses, avant de devenir finalement une pâte à papier sur lesquels jeunes et moins jeunes esquisseront leurs idées. C'est ainsi que l'abattage des arbres pour ce défilé aurait permis d'assurer de multiples utilisations pour une durée bien plus longue. Les connaisseurs appellent cela « la hiérarchie des usages du bois » et « l’utilisation du bois en cascade », deux notions qui, malheureusement, se limitent trop souvent à des déclarations d’intention.
Face aux questions, mettre la poussière sous le tapis n’a jamais permis d’avancer
Ce n’est pas la première fois que Chanel essuie des critiques sur le front de l’environnement. Cependant, une réaction de la marque a nettement manqué de classe : à ceux qui ont tenté de lui poser des questions sur sa page Facebook, la marque a opté pour l'option camouflage. Un grand nombre de commentaires, pourtant polis, ont été jugés « indésirables » et ont donc disparu des publications de Chanel. Fermer les yeux n'a pourtant jamais fait disparaître un problème. France Nature Environnement réitère sa suggestion : si Chanel désire des conseils sur la tenue d'un défilé « nature » ET écologique, France Nature Environnement a bien des conseils à livrer pour le faire tout en respectant la biodiversité.
[1] Une aura entretenue avec des défilés « les plus fastueux de la profession » et un investissement annuel entre 800 millions et 1 milliard d’euros en publicité, marketing et promotion.