Par un arrêt du 15 avril 2016, le Conseil d’Etat censure le décret du 10 janvier 2015 déclarant d’utilité publique et urgents les travaux dits nécessaires à la réalisation de la ligne à grande vitesse Poitiers-Limoges, précisément entre Iteuil (Vienne) et Le Palais-sur-Vienne (Haute-Vienne).
Cette censure se fonde tant sur des motifs de légalité externe que sur des motifs de légalité interne.
Sur la légalité externe de la DUP
Le Conseil d’Etat considère que le décret a été adopté dans des conditions irrégulières en raison de l’absence d’information précise relative au mode de financement et à la répartition envisagés pour ce projet.
Eu égard au coût de construction évalué à 1,6 milliard d’euros, l’insuffisance dont se trouve entachée l’évaluation économique et sociale « a eu pour effet de nuire à l’information complète de la population et été de nature à exercer une influence sur la décision de l’autorité administrative ».
Sur la légalité interne de la DUP
Le Conseil d’Etat rappelle qu’une opération ne peut être légalement déclarée d’utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier, les inconvénients d’ordre social, la mise en cause de la protection et de la valorisation de l’environnement, et l’atteinte éventuelle à d’autres intérêts publics qu’elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l’intérêt qu’elle présente.
Le Conseil d’Etat considère et juge :
- « que les temps de parcours affichés font l’objet d’incertitudes résultant de la complexité de gestion d’une voie à grande vitesse unique assortie d’ouvrages d’évitement » ;
- que le financement du projet n’est actuellement pas assuré et « l’évaluation de la rentabilité économique et sociale est inférieure au niveau habituellement retenu par le Gouvernement pour apprécier si une opération peut être regardée comme utile pour la communauté » ;
- que si le projet est principalement justifié par des considérations d’aménagement du territoire, la liaison qu’il prévoit se présente comme un simple barreau se rattachant au réseau ferroviaire à grande vitesse, dont il n’est pas envisagé le prolongement ;
- que bien qu’elle présente un intérêt public, la mise en œuvre de cette nouvelle voie causera un report massif des voyageurs empruntant la ligne Paris-Orléans-Limoges-Toulouse, impliquant une diminution de la fréquence du trafic et une dégradation de la desserte des territoires des territoires situés entre Orléans et Limoges ;
- qu’en déclarant d’utilité publique et urgent les travaux alors que ceux-ci ne sont prévus qu’à l’horizon 2030-2050, le Gouvernement n’a pas satisfait à la réserve formulée par la commission d’enquête tendant à ce que ces travaux soient programmés à un horizon suffisamment rapproché ;
- ainsi, l’adoption immédiate du décret « porte une atteinte très importante aux droits des propriétaires des terrains dont la déclaration d’utilité publique autorise l’expropriation dans un délai de quinze ans. »
Le Conseil d’Etat considère ainsi que les inconvénients de ce projet l’emportent sur ses avantages et font perdre audit projet son caractère d’utilité publique.
De nombreuses associations, dont Poitou-Charentes nature et Limousin nature environnement, et collectivités, dont les Départements de la Creuse, de l’Indre et de la Vienne, étaient requérantes.
Référence : Conseil d'Etat, 15 avril 2016, fédération nationale des associations des usagers des transports et autres, n°387475-388441-388591-388628-388629-388656-390519-391332.
Arrêt et communiqué du 15 avril 2016 consultables sur le site du Conseil d'Etat : http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/LGV-Poitiers-Limoges